La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène (Mogens Herman Hansen)

Texte com­plet en PDF

Afficher l'image d'origineLa démocratie athénienne à l’époque de Démosthène
Mogens Herman Hansen

Ouvrage paru en anglais en 1991 et traduit en français en 1993 qui développe le fonc­tion­nement de la démoc­ra­tie athéni­enne au IVe siè­cle av. JC et mon­tre com­ment divers principes et mécan­ismes démoc­ra­tiques ont pu imprégn­er la société. Hansen est pro­fesseur d’histoire anci­enne. Il a enseigné à Cambridge.

Ce livre est un exposé ordon­né de la struc­ture, des principes et de l’idéolo­gie de la démoc­ra­tie athéni­enne à l’époque de Démosthène (IVe siècle).

Élaboré au terme de vingt-cinq années de recherch­es, il nous fait décou­vrir avec clarté et exhaus­tiv­ité le fonc­tion­nement du meilleur exem­ple de démoc­ra­tie directe qu’ait con­nu l’His­toire, dont les leçons se trou­vent encore au cœur du débat sur nos insti­tu­tions politiques.

De l’édi­tion anglaise de ce livre, le Times Lit­er­ary Sup­ple­ment a écrit : “L’ex­posé le plus com­plet et le plus pré­cis des mécan­ismes de la démoc­ra­tie athéni­enne par son his­to­rien le plus com­pé­tent et le plus incon­testable. Cette œuvre lui a peut-être pris vingt-cinq ans, mais elle aurait ravi Aris­tote lui-même”.


Résumé

Afficher l'image d'origine


Passage

“Le tirage au sort des jurés”

pages 233, 234 et 235 de l’Edi­tion TEXTO Le goût de l’histoire

Les travaux des tri­bunaux com­mençaient à l’aube avec le tirage au sort des jurés du jour par­mi ceux des 6000 éli­gi­bles qui s’é­taient présen­tés. ce tirage au sort avait une dou­ble rai­son d’être : la procé­dure était démoc­ra­tique et don­nait à chaque citoyen une chance égale d’être sélec­tion­né comme juré ; elle était aus­si un obsta­cle à la cor­rup­tion (crime cap­i­tal tant pour le cor­rup­teur que pour le cor­rompu). Cela n’empêche pas que nous ayons écho de divers scan­dales en la matière, à la fin du V° siè­cle et au début du IV° ;la sélec­tion quo­ti­di­enne fut sans doute intro­duite dans les années 370, en tant que moyen de con­trôle plus effi­cace, puisque ce sys­tème don­nait l’as­sur­ance que per­son­ne ne saurait à l’a­vance la com­po­si­tion du jury ni quel jury serait chargé de quelle affaire.

L’étab­lisse­ment du pro­gramme jour­nalier, le nom­bre de jurés et de tri­bunaux néces­saires, tout cela était du ressort des thes­moth­ètes. ils décidaient égale­ment si la journée devait être con­sacrées aux affaires privées mineures, avec des jurys de 201 citoyens, ou plus impor­tantes, avec des jurys d’au moins 501 citoyens.

Il sem­ble qu’à l’époque d’Aris­tote, les tri­bunaux aient tous été situés à l’an­gle nord-est de l’ago­ra; der­rière une clô­ture ; il y avait 10 entrées, une par tribu. les jurés poten­tiels arrivaient tôt le matin. Devant cha­cune des dix entrées se trou­vaient dix cof­fres mar­qués des dix pre­mières let­tres de l’al­pha­bet, d’ alpha à kap­pa. lorsqu’ils arrivaient, les gens allaient à l’en­trée de leur tribu et met­taient leur plaque de juré dans le cof­fre dont la let­tre cor­re­spondait à celle qui était portée sur leur plaque. A neuf des entrées se trou­vait un archonte prêt à super­vis­er le tirage au sort ; à la dix­ième se trou­vait le secré­taire des thes­moth­ètes. puis com­mençait le tirage au sort à chaque entrée, selon le déroule­ment suivant.

Quand tous les jurés poten­tiels d’une tribu avaient déposé leur plaque, l’ar­chonte en pre­nait une dans cha­cun des dix cof­fres et les dix per­son­nes choisies étaient ipso fac­to jurés ; mais leur pre­mière tâche était de se saisir du cof­fre por­tant leur let­tre et de se ranger par ordre alphabé­tique, cinq devant cha­cun des deux klèrotèria dressés près de la porte. Un klèrotèri­on était une stèle de mar­bre de la hau­teur d’un homme, avec cinq colonnes munies de rain­ures per­me­t­tant de pos­er une plaque de juré. A chaque por­teur de cof­fre était attribué une colonne, dans les rain­ures de laque­lle il dis­po­sait toutes les plaques de son cof­fre, en com­mençant par le haut. Sur le côté du klèrotèri­on courait un petit tube ver­ti­cal dans lequel on intro­dui­sait des boules noires et des boules blanch­es (dont le nom­bre s’él­e­vait exacte­ment au cinquième du total des jurés de cette tribu néces­saires pour cette journée). les boules étaient donc intro­duites une à une par le haut du tube. Si la pre­mière était blanche, les pos­sesseurs des cinq pre­mières plaques (en par­tant du haut) étaient pris comme jurés ; si elle était noire, ces cinq là repre­naient immé­di­ate­ment leur plaque et ren­traient chez eux. La procé­dure con­tin­u­ait jusqu’à la sor­tie de la dernière boule blanche : dès lors le nom­bre req­uis de jurés était for­cé­ment atteint. Quand les dix tribus avaient fini, la liste des jurés était complète.

Dès la fin du tirage au sort des jurés, on en recom­mençait un autre, pour les répar­tir entre les tri­bunaux. l’en­trée de chaque tri­bunal avait un lin­teau peint d’une couleur dif­férente ; avant le tirage au sort, l’un des thes­moth­ètes avait pourvu chaque tri­bunal d’une let­tre par­tant de lamb­da. Les jurés allaient alors jusqu’à un panier rem­pli de glands, et chaque gland por­tait une let­tre cor­re­spon­dant à l’un des tri­bunaux ; chaque juré en tirait un. L’ar­chonte plaçait la plaque du juré dans un cof­fre pourvu de la même let­tre que le gland. Avant que le juré n’en­tre dans l’en­c­los, un esclave pub­lic lui remet­tait un bâton de la couleur du lin­teau qui por­tait la même let­tre que le gland qu’il avait tiré ; puis à l’en­trée même du tri­bunal, le juré, remet­tant son gland et son bâton, rece­vait en échange un autre jeton.

Suiv­ait alors un troisième tirage au sort, cette fois-ci entre les mag­is­trats eux-mêmes : on plaçait dans un tube une boule par tri­bunal, cha­cune por­tant la couleur d’un tri­bunal ; dans un autre tube, on plaçait une boule pour chaque mag­is­trat ; on tirait une boule de chaque tube, jusqu’à ce qu’on ait fini de déter­min­er quel mag­is­trat présiderait quel tribunal.

Enfin, à l’in­térieur de chaque tri­bunal, on choi­sis­sait un juré pour con­trôler la clep­sy­dre (ou hor­loge à eau), qua­tre pour compter les votes et cinq pour pour dis­tribuer la rétri­bu­tion des jurés en fin de journée.

Per­son­ne n’a jamais cal­culé le temps que pre­nait cette procé­dure ; mais sa fréquence nous assure qu’elle était en tous points dev­enue une pure rou­tine et on peut raisonnable­ment sup­pos­er que les qua­tre tirages au sort ne duraient pas plus d’une heure.

Pourquoi décrire si minu­tieuse­ment la sélec­tion des jurés ? Ce n’est pas que ces détails soient en eux-mêmes pas­sion­nants ; mais ils illus­trent mieux que tout autre la fas­ci­na­tion des Athéniens pour les strat­a­gèmes ingénieux ; plus de 2000 citoyens pas­saient, quelque 200 jours par an, au moins une heure de leur temps à jouer à ce jeu dont la descrip­tion occupe qua­tre pleins chapitres de la Con­sti­tu­tion d’Athènes (63–66). Qui plus est, on trou­ve partout dans le régime athénien des traces de procé­dures aus­si com­pliquées et longues, même si on ne peut pas les recon­stituer avec la même pré­ci­sion, faute de sources.


Texte com­plet en PDF


➔ Littérature

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.