En politique, le tirage au sort permet de désigner jurés et magistrats exécutifs, législatifs et judiciaires au moyen du hasard et parmi un ensemble de candidats universel ou restreint.
Dans la première démocratie connue, la démocratie athénienne, le tirage au sort était prépondérant pour toutes les institutions exécutives et juridiques. Le tirage au sort fut également utilisé dans les républiques italiennes pour désigner les dirigeants, ou encore en Suisse pour lutter contre la corruption des élus.
L’usage du tirage au sort pour la sélection de décideurs était généralement considéré comme une des caractéristiques importantes de la démocratie et reconnu pour son caractère égalitaire.
De nos jours il est utilisé pour former des jurys populaires aux États-Unis, en France, au Royaume-Uni et en Belgique. Il fut même utilisé pour désigner en 2011 l’assemblée constituante en Islande. D’autres expériences de tirage au sort sont également en développement.
La Stochocratie
Le mot stochocratie fut utilisé pour la première fois par Roger de Sizif en 1998, dans un ouvrage de réflexion sur le mode d’élection des mandataire politiques. Le mot est forgé sur les racines grecques kratein (gouverner) et stokhastikos (aléatoire). Ainsi forgé comme démo-cratie, le mot stocho-cratie le terme est ambigu car ce mot crée la confusion entre une forme de gouvernement de la cité qui laisserait aux mains du hasard les décisions politiques (jouant, par exemple, la guerre à pile ou face) et une forme de gouvernement dans laquelle un parlement de représentants tirés au sort, en nombre suffisant pour être représentatifs sociologiquement de la population, prendrait les décisions lui incombant (vote de loi, contrôle de l’exécutif et/ou d’autre pouvoirs, ou pour une assemblée constituante écriture de la Constitution).
Imaginé à la fin du xxe siècle, dans le cadre d’une réflexion politique, le mot désigne bien une modalité électorale qui n’est ni neuve ni réservée au domaine politique. Dans la méthode développée par Roger de Sizif, la stochocratie consiste à tirer au sort les assemblées (Sénat et Chambre des députés). Ce tirage au sort, portant sur des groupes de l’ordre de 500 à 600 personnes, doit aboutir à composer aléatoirement des assemblées représentatives sociologiquement de la population de référence (comme cela se fait pour composer un échantillon par méthode aléatoire pour un sondage). Du fait de leur représentativité, ces assemblées prendraient des décisions proches de celles que prendrait le peuple entier, conférant ainsi à ce mode de désignation le caractère démocratique que n’offre pas l’élection de représentants souvent plus éduqués plus riches et plus carriéristes que des citoyens tirés au sort (pour une durée limitée). Dans un second temps, ces assemblées sont chargées de choisir en leur sein les responsables de l’exécutif (président et premier ministre). De Sizif ne propose pas de choisir les dirigeants par tirage au sort, mais de tirer au sort une assemblée de représentants qui choisit ensuite les principaux dirigeants.
La stochocratie ne se confond pas avec la démocratie directe, qui est une forme de gouvernement où le peuple, détenteur du pouvoir, s’exprime directement, sans l’intermédiaire d’un parlement. Or, une démocratie parlementaire pourrait décider de choisir les membres de son parlement par tirage au sort.
Antiquité
Athènes
Fonctionnement
Les magistrats athéniens furent des administrateurs et des exécutants instruisant dossiers, convoquant et présidant instances décisionnaires et mettant leur décisions à exécutions. Ils fixaient l’ordre du jour des instances de décisions, et mettraient à délibération les motions que leur soumettaient les citoyens. Ils ne détenaient pas de pouvoir souverain, au contraire de l’Assemblée et des tribunaux, ni celui d’initiative que détenait chaque citoyen.
Pour prévenir l’élection, par le sort, de mauvais magistrats, un certain nombre de procédures furent mis en place. Avant d’entrer en fonction, le citoyen désigné par le sort était soumis à la dokimasia, un test consistant à vérifier sa moralité (bonne conduite envers ses parents) et son acquittement effectivement des obligations fiscales et militaires. Il est possible qu’une personne connue pour ses sympathies oligarchiques soit rejetée à l’issue de l’épreuve. Cette formalité n’avait pas pour objectif d’évaluer les compétences du citoyen désigné.
En revanche, une fois en fonction, les magistrats étaient constamment surveillés par l’Assemblée du peuple et par les tribunaux, notamment pour s’assurer de leur compétence, et devaient, à la restitution de leur mandat, rendre des comptes sur leur action. Lors des Assemblées principales la question des magistrats était systématiquement à l’ordre du jour et tout citoyen pouvait demander la censure de l’un d’eux. Si celle-ci était adoptée, le magistrat mis en accusation était suspendu de ses fonctions jusqu’à un éventuel acquittement et l’affaire était transmise aux tribunaux. Ainsi, seuls ceux qui s’en jugeaient digne s’inscrivaient sur les listes de noms tirés au sort au moyen du Klérotèrion car ils savaient que leur travail serait constamment surveillé et que toute faute serait passible de sanctions.
Le Klèrotèrion est une machine à tirer au sort les jurés. Il s’agit d’une stèle de marbre munie de fentes où étaient insérées horizontalement des lames portant les noms des candidats juges. Sur la gauche de cette stèle, était fixé un tube d’où sortaient aléatoirement des billes noires ou blanches qui désignaient les citoyens appelés à rendre la justice pour la journée du tirage au sort.
Des klèrotèria (on dit un klèrotèrion, des klèrotèria) de formes et de catégories différentes ont été utilisés pour choisir de nombreux officiels athéniens qui étaient tirés au sort.
Dans les colonnes des fentes, étaient insérées des plaques avec les noms.
Des petites billes égales en nombre aux fentes de chaque colonne arrivaient depuis un réservoir dans un long tube fixé à la face avant à gauche — on voit les marques dans la pierre. Les billes (blanches pour choisir et noires pour rejeter) descendaient dans le tube une par une de manière aléatoire au moyen d’un dispositif simple à cliquet.
La première bille déterminait le statut de l’homme dont le nom figurait sur la plaque insérée dans la fente du haut de la première colonne (ou dans certains cas, ceux de toute la rangée du haut). On continuait : les noms des gens rejetés étaient enlevés si bien que le klèrotérion servait pour l’affichage aussi bien que pour le tirage au sort. Cette machine à 11 colonnes et sans doute 50 rangées de fentes doit avoir été utilisée au Bouleutérion le sénat, près duquel il a été trouvé, à la période des 12 tribus. Le chef de la tribu qui présidait (prytaneuousa) devait tirer au sort 11 présidents (1 pour chaque tribu, à l’exception de la tribu qui avait la présidence) pour prendre en charge chaque réunion de la Boulè et de l’Ecclesia. Les plaques portant les noms des 50 membres de la première tribu étaient insérés dans la première colonne. On plaçait dans l’entonnoir une bille blanche et 49 billes noires, puis on laissait sortir les billes une par une en bas du tube. A la sortie de chaque bille noire, la plaque du nom correspondant était enlevée. Si la bille blanche était la 20e à apparaître, seule la 20 plaque restait dans sa fente et son propriétaire devenait le président de cette tribu. La seconde tribu était alors installée dans la seconde colonne et ainsi de suite, jusqu’au tirage au sort des 11 colonnes : seuls restaient alors les noms des 11 présidents désignés.
Comparaison avec l’élection
-
Objections
contre le Tirage au Sort
dans la Vie Politique
Hasard
Avec le tirage au sort on laisse le hasard décider de nos politiques !
1) — Si l’assemblée est constitué de suffisamment de membres, elle EST représentative de la population :
Démonstration : Nous cherchons à quantifier la représentativité d’un échantillon de personnes tirées au sort. C’est un problème de probabilité binomiale modélisable par une loi normale : Soit une décision vis-à-vis de laquelle l’opinion publique est favorable à p=51%. Une personne tirée au hasard parmi la population a donc 51% de chance de voter OUI pour cette décision. Prenons un échantillon n=1000 personnes. On peut calculer l’espérance : dans l’idéal, mu=n.p=510 personnes sont censées voter OUI. On calcule également l’écart-type (qui est un intermédiaire de calcul qui caractérise l’écart entre l’espérance et ce qu’on observera probablement) : sigma=√(n*p*(1‑p)) ~ 15.808. Il suffit alors d’intégrer la fonction densité de probabilité de la loi normale de 500 à 1000 pour obtenir la probabilité pour que le nombre de OUI se situe entre 500 et 1000 ; et que la décision soit donc adoptée :
On obtient 73.6497%
2) — Les citoyens sont des humains et ne conçoivent pas leurs idées au hasard.
3) — Les athéniens avaient compris que pour que le peuple (tous) détienne le pouvoir il fallait que personne ne le contrôle/dirige y compris eux-même. D’une part parce que tout contrôle peut être corrompu. D’autre part…
4) — Le tirage au sort dont on parle pour désigner des représentants ne peut être comparé tel quel avec le loto… !
5) — le hasard tient déjà une part importante de la vie politique actuelle, ils ont besoin de chance pour rester dans la course au pouvoir nos dirigeants…
Affreux
Avec le tirage au sort, on va nommer n’importe qui, des fous, des criminels de guerre, des hommes politiques professionnels, etc…on mettrait des affreux aux manettes !
C’est la crainte de tirer au sort des personnages indésirables, ou même dangereux.
D’abord, il ne s’agit pas de mettre quelqu’un “aux manettes” : en démocratie, ce ne sont pas les représentants qui décident, c’est le peuple lui-même réuni en assemblée.
Mise en place de toute une série d’institutions protectrices visant à empêcher les abus de pouvoir.
Le tirage au sort, lui, est au centre d’institutions qui assument les conflits et les imperfections individuelles en se fondant sur la défiance et en prévoyant des contrôles à tous les étages.
Les 6 institutions complémentaires qui protègent des faiblesses du hasard :
- La docimasie, sorte d’examen d’aptitude (mais pas de compétence puisque l’égalité politique était de principe), examen qui permettait d’éliminer les bandits et les fous
- La possibilité de refuser sous certaines conditions.
- L’ostracisme : permettait de mettre au ban (temporairement) un citoyen considéré comme effrayant (sans le tuer, sans le ruiner, et sans même le déshonorer) et celui qui était le plus souvent cité était éloigné de la vie politique pour dix ans.
- Pendant le mandat, les tirés au sort étaient révocables à tout moment, par un vote de l’assemblée.
- En fin de mandat, les tirés au sort devaient rendre des comptes ℗ et cette reddition des comptes était suivie de récompenses (honorifiques) ou de punitions éventuellement sévères.
- Après le mandat, même, deux procédures d’accusation publique ex post permettaient de mettre en cause après-coup des acteurs éventuellement fautifs : le Graphe paranomon et l’Eisangelia : l’une pour réexaminer une décision de l’Assemblée (et éventuellement punir un citoyen qui aurait induit l’assemblée en erreur en défendant un projet finalement nuisible), l’autre pour mettre en accusation un magistrat.
Tout cela est infiniment plus protecteur qu’un système d’institutions reposant sur l’élection qui, elle, fait comme si on pouvait compter sur la vertu de certains acteurs, meilleurs que les autres.
Ne pas oublier que le tirage au sort ne désigne pas des chefs, mais des serviteurs.
Commentaire 1 sur la page de le-message.org :
De simples citoyens, suffisament nombreux (disons 2000 ou 3000), réunis en assemblée délibératives pour des mandats courts et limités, controlés par le peuple, ont statistiquement beaucoup plus de chances de prendre des decisions allant dans le sens du bien commun qu’un homme isolé possédant le pouvoir absolu …
… le pouvoir, particulierement le pouvoir absolu que tu décris, corrompt celui qui le possède si de contre-pouvoirs ne sont pas mis en place, ce qui débouche sur les exces que tu décris … le tirage au sort d’une assemblée est un contre-pouvoir permettant de controler ceux qui ont le pouvoir … mais il faut aussi mettre en place d’autres institutions qui garantissent l’élaboration de bonnes décisions et d’autres contre-pouvoirs…
Commentaire 2 sur la page de le-message.org
le gouvernement n’est pas forcèment tiré au sort. le gouvernement peut être nommé par un premier ministre lui-meme nommé par une assemblée. Ce qui serait tiré au sort ce serait plutot des chambres de controle du gouvernement qui vérifient que le gouvernement ne dépasse pas le cadre de ses prérogatives qui sont fixées par les lois élaborées par les assemblées et les citoyens, certaines assemblées pouvant etre élues, d’autres tirées au sort.
Grandes cités
LE TIRAGE AU SORT ÉTAIT ADAPTÉ AUX PETITES CITÉS, MAIS NE SERAIT PAS ADAPTÉ À NOS GRANDES SOCIÉTÉS MODERNES…
Vous entendrez souvent dénoncer la sottise qui consisterait à projeter les règles d’une petite Cité de 30 000 citoyens sur un État de 40 millions d’électeurs.
De ce point de vue, contrairement aux idées reçues, un système basé sur l’élection ne peut fonctionner qu’à petite échelle puisqu’il suppose que les gouvernés CONNAISSENT à la fois les gouvernements et leurs actions (ce qui est littéralement impossible à grande échelle : qui donc peut savoir ce que font tous les jours nos élus au niveau européen ?) ; alors qu’au contraire, un système basé sur le tirage au sort est beaucoup mieux adapté à des États de grande échelle puisqu’il emporte avec lui DES CONTRÔLES PERMANENTS À TOUS LES ÉTAGES POLITIQUES.
Ce qui est essentiel en démocratie, c’est que chaque citoyen garde l’initiative. Le mot initiative est fondamental et corrélé à l’isègoria. C’est un outil puissant contre toute dérive oligarchique.
Ainsi, sur le modèle de la fédération — magnifiquement défendu par Proudhon, que nous devrions tous relire et actualiser —, la démocratie locale pourrait se coordonner avec les autres en désignant des représentants à des Assemblées régionales qui elles-mêmes délègueraient des mandataires à l’Assemblée nationale, tous ces mandataires rendant des comptes et restant sous le contrôle permanent des assemblées locales, puisque l’idée maîtresse des institutions fondées sur le tirage au sort, réaliste plutôt qu’idéaliste, c’est que la vertu n’est pas naturelle et que seuls des contrôles permanents —par de bonnes institutions— poussent les acteurs à la vertu et garantissent ainsi tous les citoyens contre les abus de pouvoir.
Esclavagiste-phallocrate
LE RÉGIME ATHÉNIEN SERAIT ESCLAVAGISTE, PHALLOCRATE ET XÉNOPHOBE…
Autre objection fréquente : on nous rappelle aimablement, comme si nous l’ignorions, que les Athéniens étaient esclavagistes, phallocrates, et xénophobes.
Effectivement, à l’époque, les femmes ne faisaient pas partie du peuple, les esclaves non plus, et les étrangers non plus. Mais juger ces faits antiques avec les valeurs d’aujourd’hui est un anachronisme, une injustice, une absurdité ; c’est aussi idiot que de reprocher aux Athéniens de ne pas voler en avion… (L’image est de Jacqueline de Romilly).
Quand on s’intéresse aux institutions athéniennes, on ne défend pas l’esclavagisme, ni la misogynie, ni la xénophobie, évidemment… Simplement, on a le sens du discernement, on sépare le bon grain de l’ivraie, on n’est pas bêtement manichéen : la démocratie ne fonctionnait PAS grâce à l’esclavagisme, NI grâce à la phallocratie, NI grâce à la xénophobie.
Autrement dit, débarrassées de ces caractères infamants, les institutions athéniennes auraient produit les mêmes résultats bénéfiques en termes d’égalité politique et de protection contre les oligarques.
Autrement dit, cette objection malhonnête consiste à monter en épingle (exagérer l’importance) de caractères sans aucun rapport avec le sujet central de la démocratie : comment organiser la Cité pour qu’aucun corps n’opprime les autres ? Il ne faut pas se laisser distraire et détourner de l’essentiel, et voir comment le peuple de l’époque, défini comme il pouvait l’être à l’époque, AVEC SES RICHES ET SES PAUVRES (CECI EST ESSENTIEL), voir comment ce peuple s’est protégé contre les oligarques, contre la tendance des riches à tout prendre pour eux, toujours plus. Comme dit Castoriadis, Athènes n’est pas un modèle mais un germe.
Certes, on pourrait dire, d’une certaine façon, que l’esclavagisme et le travail des femmes à la maison libéraient du temps pour les hommes, et leur permettaient de la sorte d’aller à l’Assemblée, ce qui est vrai ; mais la situation actuelle du monde moderne, avec des machines mues par le pétrole qui font à notre place beaucoup plus de travail que les esclaves antiques, cette présence d’esclaves de fer à la place d’esclaves de chair permet d’imaginer que nous pourrions très bien, aujourd’hui, libérer du temps pour que tous les humains puissent exercer une activité politique. C’est donc un mauvais procès, le plus souvent mené par des gens (élus et/ou riches) qui ont un intérêt personnel à discréditer la démocratie (puisque le tirage au sort mettrait au chômage les élus et ôterait aux riches leurs précieuses courroies de transmission politiques).
Par un amalgame calomnieux, les élus (et leurs parrains) essayent de nous conduire à jeter un beau bébé démocratique avec l’eau sale de son bain esclavagiste d’une époque révolue.
1) — Pour juger de ce fait il faut juste rappeler qu’il en était de même dans notre société il y a peu de temps, sous le régime que nous connaissons. Ce n’est donc pas un argument politique, c’est purement culturel et de ce fait non valide dans la culture très différente de l’époque.
2) — La société actuelle n’est-elle pas un peu de tout ça encore aujourd’hui ? Eh ben alors, on est pourtant en “démocratie” ! :). Le gouvernement représentatif actuel basé sur l’élection a rendu peut-être la situation pire car plus fourbe, sournoise, où les injustices sont beaucoup moins visibles d’emblée. Les “esclaves modernes” dont des enfants de moins de 14 ans, en tout cas pas tout à fait encore dans nos pays “civilisés” mais la mondialisation nous y pousse petit à petit, dans des pays comme la Chine ou la Birmanie (certes ce sont des “démocraties” plus extrêmes que nous…!) fabriquant des marchandises à très bas coût, ont peut-être des conditions de vie pires que les esclaves du temps de l’Egypte antique… Notre société actuelle est terriblement phallocratique, ne serait-ce que par les valeurs qu’elle “glorifie”, l’ambition, la réussite, le pouvoir, la violence, l’action sans la réflexion, le court-termisme etc…Les femmes quoi qu’en disent les journalistes (mais je crois qu’ils sont d’accords là-dessus…!), sont toujours moins payées que les hommes, à travail égal. La parité dans nos institutions politiques, on l’attend toujours. etc… Pour la xénophobie, les exemples sont là aussi innombrables.
Athenes avait des élections Aussi
MAIS LES ATHÉNIENS UTILISAIENT AUSSI L’ÉLECTION, NON ?
On entend parfois objecter que les Athéniens utilisaient aussi l’élection. C’est vrai, mais marginalement : l’élection était préférée seulement dans les cas où une compétence était nécessaire, c’est-à-dire essentiellement en matières militaires et financières. Ainsi, les chefs d’armée et les comptables publics étaient élus, mais c’est tout. À Athènes, le tirage au sort des représentants politiques a bel et bien été la règle générale pendant 200 ans. Nous pourrions très bien, à notre tour, combiner les deux, en fonction de nos objectifs. Cependant, ce n’est pas aux élus de faire ces choix-là, car ils vont évidemment tricher et préférer l’élection partout, dans leur intérêt personnel, contre l’intérêt général.
De plus, nous parlons de la constituante tirée au sort. Nous ne parlons pas d’interdire à la constituante de faire appel à l’élection dans sa constitution, bien que nous déconseillons de confier certains pouvoirs à des élus car cela comporte des risques particuliers.
Peine mort à Athenes
LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE NE RESPECTAIT PAS LES DROITS FONDAMENTAUX ET PRATIQUAIT, PAR EXEMPLE, LA PEINE DE MORT
On entend dire parfois qu’un régime capable de condamner Socrate à mourir ne peut pas être un bon régime… On a du mal à croire à la bonne foi de cet argument : la mort de Socrate fut une erreur, sans doute un drame, mais c’est un microscopique détail pour juger un régime sur des siècles ; un simple fait divers, à l’évidence malhonnêtement monté en épingle. Si ceux qui mettent en avant la mort de Socrate sont de bonne foi, vont-ils penser à disposer aussi dans la balance les centaines de millions de morts et de torturés par la faute d’élus depuis 200 ans ? … Plus sérieusement, on entend dire la démocratie ne respectait pas les droits de l’Homme. C’est tout à fait exact, mais le leur reprocher est d’abord un véritable anachronisme : il est profondément injuste de reprocher à un peuple d’il y a 2 500 ans de ne pas avoir respecté nos valeurs actuelles. Ensuite, en faire une pierre d’achoppement non négociable est très exagéré car rien ne nous empêcherait, aujourd’hui, d’améliorer le système dans le sens de ce respect des droits fondamentaux, et puis c’est tout. Pas du tout de quoi jeter le projet tout entier aux orties, évidemment.
1) — Pour juger de ce fait il faut juste rappeler qu’il en était de même dans notre société il y a peu de temps, sous le régime que nous connaissons. Ce n’est donc pas un argument politique, c’est purement culturel et de ce fait non valide dans la culture très différente de l’époque.
2) — Pour appuyer l’argument de l’anachronisme, il se pourrait que dans un futur proche, nous ne tolérerions plus la mort d’animaux pour nous nourrir. C’est quasiment inconcevable de nos jours. Au XVème siècle, on croyait encore que la Terre était plate comme une pizza… L’inconnu ne peut être appréhendé par le connu (les mots de notre langage, notre “vécu”, notre façon de penser…). Einstein le disait différemment : “On ne règle pas un problème en utilisant le système de pensée qui l’a engendré”.
Changement d’avis permanent
AVEC LE TIRAGE AU SORT, ON CHANGERAIT D’AVIS TOUT LE TEMPS…
Autre objection courante contre le tirage au sort, la rotation des charges empêcherait de maintenir une ligne politique cohérente sur la durée ; des magistrats aux mandats courts et non renouvelables seraient incapables de poursuivre des stratégies cohérentes à long terme… Mais là encore, c’est faire comme si les tirés au sort avaient le même pouvoir que les élus modernes, ce qui n’est pas du tout le cas : dans un système organisé autour du tirage au sort, c’est l’assemblée qui a le pouvoir, et cette assemblée, elle, est tout à fait stable. Les Athéniens n’avaient aucun problème de ce point de vue, au moins rien de plus grave que les incohérences liées aux élections contradictoires, évidemment elles aussi possibles.
Si les tirés au sort changent d’avis c’est que le peuple change d’avis, mais cela ne dure qu’un temps, une fois les argumentations solides et le recul pris. Plus le temps passera moins les citoyens/tirés au sorts changeront d’avis et plus la démocratie sera solide.
La démocratie serait occidentale
DÉMOCRATIE, DÉMOCRATIE… ARRÊTEZ DE NOUS CASSER LES PIEDS AVEC LES RÉFÉRENCES GRECQUES : IL N’Y A PAS QUE L’OCCIDENT SUR TERRE…
Certains interlocuteurs objectent que la référence lancinante à la démocratie dans les pays développés relève de l’obsession religieuse et néglige de nombreuses autres expériences politiques riches et anciennes, en Égypte et en Chine, notamment. C’est vrai que, pour ceux qui se contentent des apparences et acceptent d’appeler démocratie son strict contraire, la comparaison avec la religion est intéressante. Mais au contraire, parler de religion ne convient pas pour ceux qui cherchent à comprendre — et n’ont pas peur d’améliorer — une vraie démocratie. Ceux-là mènent une enquête pour protéger tout le monde efficacement contre les abus de pouvoir, au-delà des mythes, précisément. Cette enquête reste ouverte sur toutes les suggestions utiles, naturellement. Quant aux autres histoires mobilisables pour penser la Cité aujourd’hui, je retiens de l’expérience chinoise, pour le moment, l’intérêt porté aux CONCOURS pour l’accès aux charges publiques : cette procédure permet (théoriquement) d’accéder à une méritocratie authentique (où les aristocrates font constamment la preuve qu’ils sont bien les meilleurs, sans aucun privilège, de naissance ou autre). Il y a sans doute d’autres idées utiles dans l’histoire chinoise : eh bien parlons-en, si vous voulez. D’autre part, on évoque parfois les attraits de l’expérience égyptienne, bien plus ancienne que l’expérience grecque. Mais pour l’instant, je dois dire que les apports égyptiens à la science politique qui permettraient de résister aujourd’hui aux abus de pouvoir me sont inconnus. Je suis évidemment ouvert à toute suggestion crédible. Pour l’instant, j’observe (et je signale) le germe politique testé (et approuvé) à Athènes parce qu’il me paraît logique, robuste, et parfaitement adapté pour sortir enfin de la plupart de nos impasses sociales, À CONDITION DE CESSER DE CONFIER AUX PARTIS L’ÉCRITURE DE NOS CONSTITUTIONS (puisqu’ils choisiront toujours l’élection, naturellement, conduits par leur intérêt personnel).
La démocratie est une théorie politique basée sur des concepts philosophiques, même si la démocratie émerge plus facilement de certaine cultures cela n’a rien de spécifique à l’occident. D’ailleurs les grecs n’étaient pas des occidentaux, ils étaient davantage influencés par des cultures orientales (de l’époque) concepts qui ne correspondent pas de plus aux théories des civilisations de notre époque.
La démocratie athénienne n’a pas duré, c’est bien que le système est mauvais
SI LA DÉMOCRATIE A PRIS FIN UN JOUR, ET N’EST JAMAIS RÉAPPARUE, C’EST BIEN LA PREUVE QUE LE SYSTÈME ÉTAIT MAUVAIS…
Autre objection rencontrée contre le tirage au sort et la démocratie : si la démocratie a pris fin et n’est jamais réapparue, c’est bien la preuve que le système était mauvais… Pas du tout : la démocratie a pris fin à cause d’une guerre perdue. C’est-à-dire une cause contingente, non nécessaire, accidentelle, et pas à cause de vices propres. Et les voleurs de pouvoir qui ont suivi ont bien retenu la leçon : le tirage au sort des représentants donne mécaniquement le pouvoir au plus grand nombre, au lieu de laisser les riches gouverner. Cette procédure aléatoire —équitable et incorruptible— a donc ensuite été méthodiquement discréditée par tous les notables et privilégiés à travers les âges, mais pour des raisons qui n’ont évidemment rien à voir avec l’intérêt général, et sans aucun débat public sur le choix sociétal stratégique “élections ou tirage au sort”.
Que vous soyez convaincu que le régime actuel n’est pas une démocratie est déjà une base d’accord réciproque.
Vous imaginez une théorie de l’évolution politique, ou la disparition des systèmes prouve son incapacité à faire face à son environnement? Si la démocratie n’est jamais réapparue c’est qu’elle n’en a jamais depuis eu l’occasion, jusqu’à aujourd’hui étant donné que nous sommes là. La démocratie en est encore aux premiers stades de sa possible évolution, que l’on parle de droit ou de régime démocratique.
Précision historique :
La démocratie athénienne a été victorieuse de l’empire perse… ce qui n’est pas un petit morceau… elle a colonisé tout le bassin méditerranéen et ce uniquement à partir de la démocratie et non à l’époque des archontes.
Donc, au contraire, la démocratie a été l’âge d’or d’Athènes.
Et pour finir, ce qui causa sa perte fut sa trop grande gourmandise coloniale sur les autres cité grecques… et surtout ce fut finalement Sparte qui donna le 1er coup par sa puissance militaire, après avoir subit plusieurs défaites.
Ce ne fut que le père d’Alexandre Le Grand qui mit fin à la démocratie, et à la grandeur d’Athènes.
Donc ce furent des volontés impérialistes qui écrasèrent Athènes par la force, et non une déliquescence qui la désagrégea de l’intérieur.
Incultes et irresponsables
La plupart des citoyens sont incultes et irresponsables, il serait dangereux de leurs confier le pouvoir ! De plus ils ne sauraient pas quoi en faire.
1) — les notions d’incultes et irresponsables sont relatives à votre personne, il est évident que si vous jugez de telle manière ce qui est votre liberté, vous ne jugez pas être égal des autres et pensez par extension avoir autorité sur eux.
2) — Si les gens ne savent pas quoi faire du pouvoir c’est justement parce qu’ils sont désintéressés du pouvoir et donc mieux à même de créer des institutions qui ne bénéficieront pas de facilité vis à vis de la domination de tout où partie du peuple.
➔ Outils de la démocratie
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